1. Accueil
  2. rideau
  3. Pour l’adaptation des bâtiments d’élevage face au stress thermique des vaches laitières

Pour l’adaptation des bâtiments d’élevage face au stress thermique des vaches laitières

C’est un fait établi aujourd’hui, les bovins craignent plus le chaud que le froid. Toutefois d’autres variables climatiques entrent en ligne de compte, comme :

– la température et l’hygrométrie, exprimée à travers le THI (temperature Humidity Index). Si la vache n’aime pas les températures trop élevées, il ne faut pas non plus que le taux d’humidité le soit également dans le bâtiment ;

– la vitesse du vent et le rayonnement, que ce soit à l’intérieur des bâtiments ou en prairie. Une vitesse d’air importante au niveau des vaches doit permettre de rafraîchir les animaux par convection. En outre il faut pouvoir leur apporter de l’ombre et réduire l’impact du rayonnement solaire sur ceux-ci.

Pour Bertrand Fagoo, le THI est un indice bien connu qui a déjà été adapté pour la vache laitière voici quelques dizaines d’années et qui a été revu avec l’augmentation de la production des vaches laitières. À partir de 68 de THI, la vache entre déjà en stress thermique. « Cet indice correspond à une température de 22ºC avec 50 % d’humidité relative, un seuil que l’on rencontre fréquemment. Et plus il augmente, plus le stress peut être sévère, voire extrême.

Les conséquences dudit stress sont nombreuses ! La première : la baisse de la production laitière qui est bien souvent liée à une baisse de l’ingestion. D’autres impacts se font sentir, sur la composition du lait notamment : les taux ainsi que la modification du profil des acides gras du lait. L’impact sur les vaches gestantes et sur les nouveaux nés n’est pas à négliger. Le stress engendre aussi des problèmes métaboliques, de la fatigue. Les animaux vont avoir tendance à rester debout pour profiter des vitesses d’air, ce qui va engendrer de la fatigue et des boiteries derrière… Et n’essayez pas d’inséminer un individu par fortes chaleurs.

Agir pour limiter l’impact du stress thermique : plan d’action

Nombreuses sont les réflexions à mener avant d’intervenir sur le bâtiment.

Un préalable : viser un confort au top !

Avant d’entamer ce plan d’action, il est important que le confort au sein des bâtiments d’élevage soit optimal toute l’année, mais encore plus en cas de températures élevées ! Un coup de chaleur sur des vaches déjà fatiguées peut avoir des conséquences importantes. Le niveau de confort est donc clairement un aspect à investiguer. Pour l’orateur, cela signifie : des aires de vie suffisantes, pas de bâtiment surchargé, un nombre suffisant de places à l’auge, des logettes bien dimensionnées et bien réglées. « C’est un aspect où il y a clairement des points à améliorer dans de nombreux élevages !

1. L’abreuvement

L’abreuvement est souvent le parent pauvre. « Dans les audits ou lors de la construction de nouveaux bâtiments, on se rend compte que les abreuvoirs sont généralement le dernier équipement acheté et souvent leur nombre est insuffisant pour la taille du troupeau. or en été, les besoins en eau peuvent doubler pour atteindre 150l/vache/jour. »

Selon BoviWell, un outil de diagnostic du bien-être animal en élevage bovin, le minimum est de 6 cm d’abreuvoir/vache. Toutefois, en période estivale, il faut aller au-delà avec des bacs supplémentaires, soit un objectif de 10 cm par vache. Pour éviter que des animaux ne bloquent la circulation, l’accessibilité est également importante : 3,6m de dégagement en plus de l’abreuvoir. À noter que la hauteur d’eau (minimum 7cm), la hauteur des abreuvoirs (70 à 75 cm), la qualité de l’eau (propre, appétente) et les débits en lien avec les réserves d’eau (15-20 l/min) sont aussi importantes

2. Gestion de l’alimentation

Pour Bertrand Fagoo, la conservation de l’aliment est un autre point crucial. En période estivale, l’aliment doit pouvoir rester frais et appétent pour les laitières.

Du point de vue de l’appétence de la ration : l’orateur évoque les notions liées à leur conservation : avancement quotidien, orientation des silos… « Il serait préférable d’avoir des petits silos de reports pour l’été avec des fronts d’attaque nord-est plutôt que de grands silos orientés sud et dont le désilage est relativement lent. »

Le rythme de distribution doit être aussi adapté : plutôt en soirée par fortes chaleurs. « La raison : une fois que la vache rumine, la production de chaleur ne vient que quelques heures après. L’idée est donc d’éviter que sa période de production de chaleur maximale coïncide avec la plage horaire de fortes chaleurs de la journée. »

La place à l’auge : certains concepts affirment que l’alimentation étant distribuée à volonté, la place à l’auge peut être réduite. Or, par fortes températures, les vaches en bâtiments retrouvent un comportement grégaire et collectif en période de stress. Une place à l’auge par animal est donc nécessaire.

Enfin, on ne vous apprendra rien en disant qu’une fois que le fourrage est distribué, mieux vaut le conserver à l’ombre, au risque de voir diminuer la consommation en aliments des laitières.

3. De l’ombre en prairies

Selon l’orateur, un bovin en plein soleil va ressentir (par période de fortes chaleurs) 10 à 14ºC de plus qu’une vache à l’ombre dans un bâtiment ou sous des arbres bien aménagés sur un parcellaire. Il va de soi qu’il faut de l’ombre est nécessaire pour tous les animaux, que ce soient des laitières, des taries ou des génisses. Repenser l’organisation de son parcellaire est donc parfois nécessaire pour offrir de l’ombre à ses animaux. À défaut d’ombre en prairie, mieux vaut garder les productrices à l’étable lors des après-midi chaudes.

4. Réduire le rayonnement direct et indirect du soleil

« Jusqu’à aujourd’hui, les bâtiments ont été conçus pour protéger les animaux des conditions atmosphériques en hiver et pour amener suffisamment de lumière par la toiture. On a donc des bâtiments très lumineux avec des apports de lumière par le dessus. Avec les mesures prises, de nombreuses adaptations sont à réaliser pour réduire ce rayonnement (direct et indirect) à l’intérieur des étables avant de penser la ventilation naturelle du bâtiment.

Pour mesurer ce rayonnement, un thermomètre à globe noir est utilisé. Il absorbe la chaleur autour de lui, soit directe, indirecte. L’outil montre que dans certaines zones du bâtiment, la température ressentie est beaucoup plus importante que la température ambiante.

La gestion de ce rayonnement passe dès lors par la gestion des ouvertures pour éviter que le soleil ne rentre directement dans le bâtiment. On peut éviter le rayonnement direct tout en renouvelant l’air vicié du bâtiment en fermant les ouvertures exposées selon la course du soleil, en ouvrant la nuit. Sur les côtés sud, sud ouest et ouest, il pense à adopter les débords de toiture.

Pour Bertrand Fagoo, il y a des réflexes à avoir pour concevoir un bâtiment adapté tant à l’hiver, qu’aux périodes de fortes chaleurs. Comme dit plus haut il faut privilégier un éclairage naturel tout en évitant les éclairants en toiture qui apportent un rayonnement à l’intérieur des bâtiments. Mieux vaut donc un éclairage diffus en valorisant les côtés, les pignons, les décalages entre bâtiments… non exposés au soleil. Et peut-être que demain, des nouveaux produits apporteront de la lumière sans rayonnement.

L’isolation de la toiture peut être intéressante sur des bâtiments à faible volume. Les anciens bâtiments dont les toits avec translucides sont très bas, orientés coté sud ont un impact de la plus important sur l’animal que dans les constructions avec une toiture relativement haute et une ventilation transversale. L’isolation peut alors être intéressante et ne se cantonner que sur ce versant sud, sud ouest ou ouest. Elle peut alors faire gagner de 0 à 2ºC de température au globe noir.

La réduction des hauteurs de maçonnerie permet d’éviter que les murs n’emmagasinent la chaleur pour la restituer en début de nuit et que la circulation d’air en partie basse ne soit empêchée. « Aujourd’hui, on conseille de partir sur des bâtiments avec des murets très bas (60cm) avec un apport latéral de lumière tout au long de l’année. La vache peut ainsi avoir des bonnes vitesses d’air le plus bas possible.

5. Améliorer la ventilation naturelle et l’ambiance au sein du bâtiment

Pour l’adaptation des bâtiments d’élevage face au stress thermique des vaches laitières

Bien sûr, il est important de pouvoir maîtriser l’humidité dans le bâtiment : par une bonne ventilation naturelle (ouverture des bâtiments), une qualité des sols (facile à nettoyer), une fréquence de nettoyage adaptée, et bien sûr une litière sèche.

Pour profiter de la ventilation naturelle et de ses deux effets (vent et cheminée), il faut absolument viser dans les bâtiments une ventilation transversale et bénéficier des vitesses d’air

Les extensions ou implantations d’annexes doivent être bien réfléchies pour ne pas pénaliser la ventilation du bâtiment des laitières. L’orateur : « Au plus on va ajouter de « choses » sur le long pan, au plus la ventilation, tant hivernale qu’estivale, va être pénalisée. Surtout si l’on veut des entrées d’air en partie basse. Il vaut toujours mieux allonger qu’élargir un bâtiment pour autant que le site le permette. En production laitière, on adapte souvent les bâtiments à l’existant. Raison pour laquelle l’éleveur doit essayer de raisonner au mieux, avec des décalages de bâtiment notamment.

Il existe une palette de solutions pour apporter des vitesses d’air sans chaleur supplémentaire. M. Fagoo évoque les ouvertures : « Il y en a différentes sortes, comme l’installation de rideaux mais il est possible d’aller sur des choses plus simples comme le démontage de bardage en partie basse sur les façades nord et est, l’installation de volets… »

Si l’éleveur doit améliorer le confort des laitières, il doit aussi repenser certaines zones de production, et notamment le bloc traite. « Dans de nombreux élevages, l’aire d’attente est le premier lieu d’inconfort. Ce sont souvent des bâtiments assez bas avec peu de ventilation et raccordés au bâtiment des laitières. Aujourd’hui, force est de constater que l’on bloque parfois des animaux 1h30 tout simplement parce que la salle de traite est sous dimensionnée… L’aire d’attente peut être un lieu de souffrance quand les vaches sont les unes sur les autres et que la ventilation y est quasi nulle. Quand on est dans une démarche de repenser la ventilation, cela aurait du sens de commencer par l’aire d’attente : isoler les toitures, y avoir un renouvellement d’air… »

Le logement des taries est aussi à prendre en compte. « Quand les animaux subissent un stress thermique pendant leur période de tarissement, des impacts se font ressentir sur le veau : naissance plus précoce, animal plus chétif, il « pousse » moins et produira moins pendant les trois lactations suivantes. Des études montrent qu’une génisse née d’une vache tarie qui a eu un stress thermique sera réformée plus précocement. »

Les veaux aussi ont besoin d’ombre. « On a mesuré le confort des animaux au niveau des niches extérieures. Là aussi il y a à faire ! Si c’est un bon concept pour l’hiver, il faut y prêter attention en été car le rayonnement y est important. Il y a évidemment différentes qualités de niche, mais l’éleveur doit toujours essayer d’avoir une ventilation au niveau de ces cases et de les placer autant que faire se peut à l’ombre. Des mesures au thermomètre au globe noir de niches exposées en plein soleil ont montré que pour une température extérieure de 23,5ºC, la température ambiante à l’intérieur de la niche était de 25,3ºC et que la température ressentie (globe noir) y était de 29,7ºC. »

Ventilation mécanique, brumisation, douchage

« Une fois qu’on a passé en revue tous les points précédents, il peut être intéressant d’investir dans la ventilation mécanique et/ ou douchage brumisation. Attention que cela doit toujours être fait en seconde intention et en raisonnant les installations. Si l’éleveur observe une baisse de production qui suit grosso modo la courbe du THI, il peut être intéressant d’investiguer ce que pourrait apporter une ventilation mécanique. »

6. la ventilation mécanique

Pour l’orateur, la ventilation mécanique permet d’apporter des vitesses d’air au niveau de l’animal en période de fortes chaleurs et réduire ainsi l’impact du stress thermique. Elle peut aussi améliorer le renouvellement d’air dans des bâtiments où la ventilation naturelle est lacunaire, ce qui peut aussi favoriser l’assèchement des zones de couchage.

Pour réduire la température ressentie par les vitesses d’air, l’objectif visé est d’avoir 1m/s (l’idéal est 2m/s) au niveau du flanc des animaux pour permettre un rafraîchissement au niveau de l’animal. Attention que des vitesses trop importantes (3m/s et +) occasionnent de la gêne pour les animaux, soulèvent des poussières dans le bâtiment…

À noter que quand on passe le pas de ladite ventilation, des mesures sont à prendre pour éviter les accidents. En effet, quand on ouvre un bâtiment, et qu’on y ajoute de la ventilation mécanique, les flux d’air créés vont assécher les sols. Une fois que ça croûte en surface, les animaux peuvent glisser et c’est là que surviennent les problèmes.

Les erreurs à éviter avec la ventilation mécanique :

– installation dans un bâtiment très rayonnant : brassage d’air chaud ;

– installation dans un bâtiment trop fermé : limitation du renouvellement de l’air, brassage d’air vicié ;

– choix d’un équipement peu performant ;

– sous-équipement du bâtiment avec des zones préférentielles ;

– mauvais emplacement des ventilateurs ;

– mauvais réglage : inclinaison… ;

– absence de vérification des vitesses d’air à la mise en route, pour vérifier l’efficacité ;

– absence d’entretien.

En traite conventionnelle, mieux vaut d’abord ventiler l’aire d’attente, ensuite les zones de couchage et d’accès à l’auge, et enfin les couloirs de circulation.

En traite robotisée, il faut à la fois ventiler les trois zones principales pour une circulation d’air homogène et faciliter la circulation des animaux dans l’étable. On se concentre ensuite sur les couloirs.

Bertrand Fagoo pointe du doigt les ventilateurs à flux horizontal d’ancienne génération. « Les mesures montrent très nettement un effet couloir. Trop de zones restent non couvertes. Ces ventilateurs ont une largeur d’action limitée à 2,5 m. Ils demandent finalement beaucoup d’énergie, sont bruyants pour peu de travail. Aujourd’hui, il faut vraiment miser sur du matériel performant. Celui-ci est moins bruyant, plus économe en énergie, avec une largeur « active » beaucoup plus importante, de 5 à 7 m sur 9 à 15 m de longueur. »

Il existe d’autres types de ventilateurs comme les brasseurs d’air qui ont l’avantage de brasser un volume d’air plus important mais à faible vitesse du haut vers le bas. Dans la majorité des exploitations qui en sont équipés, les chercheurs ont constaté une insuffisance d’équipement pour obtenir 1 m/sec au niveau des animaux.

7. L’eau pour rafraîchir les animaux

Si l’évaporation de l’eau entraîne une diminution de la température, l’utilisation d’eau doit être couplée à des vitesses d’air importantes au risque d’avoir des atmosphères humides. Et si la vache peut souffrir d’un excès de température, elle le peut aussi d’un excès d’hygrométrie. Au plus l’atmosphère est humide et chaude, au plus la vache a difficile d’évacuer la chaleur… Elle va alors haleter de plus en plus, battre des flancs et entrer en détresse.

« Soyez vigilants sur les apports d’eau sous forme de brumisation et de douchage ! C’est à proscrire dans les lieux fermés. L’utilisation de l’eau doit venir en complément d’une ventilation mécanique. »

Notons que la brumisation est très délicate dans les zones humides. Elle consiste à rafraîchir l’environnement de l’animal. Le douchage peut se faire en aire d’attente avant la traite, soit à l’auge. On cherche d’abord à asperger l’arrière des vaches ce qui va permettre de réduire directement la température perçue par l’animal.

***

Pour aller plus loin, il existe des documents de synthèse des résultats des travaux du groupe « Bâtiments d’élevage de demain » qui sont disponibles sur cniel-infos.com (onglet environnement > changement climatique).

P-Y L.