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Lily-Rose Depp : « La pellicule est un privilège, il faut être à la hauteur »

Elle pourrait être tout juste tombée d’un tableau de Botticelli.Une jeunesse blonde, gracieuse et diaphane, éthérée ; mais c’est sans compter son regard, deux ruisseaux noirs et pétillants, sources si profondes qu’on se sent l’envie d’y interroger son avenir comme dans le marc du meilleur café. Lily-Rose Depp a à peine 20 ans, mais quand on lui parle, sa force lui donne plus de maturité. Elle a sauté dans le bouillon toute petite, celui du spectacle et des costumes, elle en a gardé le goût des lumières, du miroitement et un penchant pour les princesses. Dans son panthéon, des reines, il y en a : Catherine Deneuve, Sharon Stone, Penélope Cruz ou encore Patricia Arquette dansTrue Romance.Des femmes puissantes et déterminées. Mais petite, c’est Dorothy, duMagicien d’Oz,qu’elle brûlait d’être. Ce film, elle l’a regardé encore et encore. CommePeau d’âne.Que la vie ait plusieurs dimensions, qu’on puisse passer de l’autre côté à la faveur d’un cyclone ou de la peau d’un animal et devenir amie avec des épouvantails, ça la faisait rêver. Le rêve, c’est un mot qui revient souvent dans la bouche de Lily-Rose. Parce que c’est avec beaucoup d’humilité qu’elle raconte sa courte vie : c’était un rêve que Karl Lagerfeld lui demande de revêtir un arpent du mythe Chanel, un rêve qu’il la fasse défiler en robe de mariée. Elle ne l’aurait jamais imaginé. »Il m’a donné ma chance, c’est lui qui m’a fait connaître. » Elle avait 15 ans. « Rentrer dans la famille Chanel »,c’est ainsi que Lily-Rose décrit ses liens avec la maison. « Karl nous manque »,mais Karl Lagerfeld et Virginie Viard, la nouvelle directrice artistique de la maison, sont indissociables : « Ils étaient tellement proches, elle était en lui, et aujourd’hui il est en elle. »

Egérie mais actrice avant tout

C’est un rêve encore de devenir le visage de N° 5 L’eau. Ah, le N° 5 ! Combien sommes-nous à se sentir rassurées et portées quand ses notes flottent autour de nous ? « C’est le parfum de ma mère »,me dit-elle ; je lui réponds du tac au tac que c’est aussi celui de la mienne. Et nous rions. Quand elle a tourné la publicité avec Jean-Paul Goude, elle avait l’impression de se glisser, toute légère, dans une longue histoire : « Je suis un petit ornement sur un grand parfum, comme ma mère était un petit oiseau dans une cage ».Mais on sait que Coco Chanel a ouvert les portes des cages pour que les femmes respirent sans rien perdre de leur élégance et de leur subversion. Et ce qui fait respirer Lily-Rose, c’est le cinéma, « Le meilleur moment, c’est entre« Action »et»Coupez ! » »

Enfant de la balle, elle a un peu séché la case cours de théâtre, elle en a bien conscience. Alors elle travaille pour rattraper, tout savoir des techniques, connaître son corps, se laisser guider par un réalisateur, mais aussi être moteur, proposer, prendre le dessus sur le trac. Avec déjà six films au compteur, elle sait que chacun des personnages qu’elle a incarnés a renforcé sa palette. « Planétariumde Rebecca Zlotowski était mon premier film dramatique. Ma dernière apparition dans le film était en fait la première scène que je devais tourner. C’est un passage violent où je suis en crise, je casse les objets, balance une cage àoiseaux. » Tout cela face à Natalie Portman, que Lily-Rose admire tant. « Je me souviendrai toujours de la façon dont Rebecca m’a parlé, m’a soutenue, et comment elle m’a amenée l à où je devais aller. Elle croyait en moi. » Toujours les cages dorées dont il faut trouver sa propre clé. Et effectivement, il est difficile de ne pas croire en Lily-Rose quand on est face à elle. Avec un prénom magique qu’on entendrait s’égrener sur la Reming ton portative d’une chanson de Gainsbourg, elle n’est que charme incandescent, « Rosebud » caché de Citizen Kane, diamant brut qui s’ignore, incendie encore enfant. On devine en silence qu’elle sait très bien qu’elle devra faire doublement ses preuves, et dans le strong coffee de ses yeux, on peut lui dire qu’elle est déjà un prénom. Parce que n’importe quel créateur aspirerait à faire éclore la douce violence de ce caractère gai et trempé dans l’acier. Rebecca Zlotowski nous raconte qu’elle savait que Lily-Rose prenait son envol au cinéma, et que c’était la dernière fois qu’elle pourrait jouer une enfant. La réalisatrice capturait un monde en train de s’engloutir. Elle voulait aider cette jeune actrice, déjà scrutée médiatiquement, à dessiner sa colonne vertébrale, à aller puiser au fond d’elle tout en se protégeant.

Lily-Rose Depp : « La pellicule est un privilège, il faut être à la hauteur »

Perfectionniste

Depuis Lily-Rose se prépare pour beaucoup pour les films, et apprécie cette plongée dans les répétitions et l’appropriation du personnage auquel elle prête sa chair. Qu’il s’agisse de figures historiques – Lily-Rose Depp a interprété aussi bien Isadora Duncan que Catherine de Valois – mais aussi d’êtres de fiction. PourL ‘Homme fidèlede Louis Garrel, elle devait être Eve, une fille frondeuse et déterminée, prête à déclarer la guerre pour l’homme qu’elle a décidé d’aimer. « C’était un défi, on devait tourner en quatre semaines, sur pellicule ! On ne peut pas se planter. Sur le plateau, il faut trouver et pas chercher. La pellicule est un privilège, il faut être à la hauteur. Il y a quelque chose d’Eve qui est resté en moi après. Sa capacité à imposer ses désirs. C’est toujours un sentiment bizarre quand on termine un film. On a exploré toujours plus loin pendant des mois, ça peut être dur de lâcher. On s’est accroché à notre personnage, pour le garder le plus près de nous possible. » C’est le réalisateur Nicholas Jarecki, avec qui elle a tournéDreamland(dont la sortie est prévue en 2020, ndlr) qui lui a donné ce conseil : « Même quand tu ne parles pas, que tu écoutes ton interlocuteur, que tu te reposes, tu restes ton personnage. Pense à ce qu’il penserait. » Toujours l’impératif de se glisser dans une autre peau. D’ailleurs,Love,l’une de ses chansons fétiches, est tirée du filmUnder the Skin.Lily-Rose tient à ses grigris, une bague Coco Crush qui ne la quitte jamais et des cailloux dans ses poches qui lui donnent de l’énergie. Quand le film est achevé, certains acteurs ne peuvent pas se regarder sur écran.

Lily-Rose, elle, a besoin de se voir au moins deux fois. Une première pour se juger et traquer ce qu’elle voudra perfectionner, et une seconde pour profiter de ce travail collectif, retrouver les personnages qu’elle a côtoyés, comme des amis fantomatiques mais sûrs. Lily-Rose aime les princesses et confie adorer Noël. « Ça reste de la magie pour moi, la neige, les grosmanteaux et le chocolat chaud. » Parce que c’est une histoire d’odeurs : le feu de la cheminée, la dinde et les marshmallows, et surtout le parfum des siens. « Noël, c’est un temps suspendu, avec ma famille. » Avec son frère, ils ont pris l’habitude de confectionner une étoile en carton pour le haut du sapin, car chaque clan a ses coutumes qui remontent à l’enfance. Et chacun est rassuré de retrouver intacts ses rituels.

Figure maternelle

On évite les questionssur ses parents trop célèbres, mais comme pour beaucoup de jeunes filles, sa mère revient souvent dans son discours. Une référence unique, un goût de paradis. Elle me dit qu’elle porte sa chemise. Elle aime lui piquer des vêtements, l’avoir près d’elle, elle me dit aussi que, petite, elle ne regardait pas les films de ses parents, évidemment. Mais qu’aujourd’hui, oui, et qu’elle peut apprécier avec un regard d’adulte les immenses acteurs qu’ils sont. C’est dit tout bas, avec pudeur, admiration et avec l’amour que nous avons tous pour ceux qui nous ont faits, et dont on se détache pour mener sa propre vie. Parce que Lily-Rose a dans ses mains « Mille et une symphonies/Qu’elle inventera en un rien »,comme le chante pour elle la voix maternelle. On se souvient que la petite Française est aussi américaine, par la grâce de délicieuses coquetteries. Elle dit : « C’est « une » honneur. » Un mot qui revient aussi comme un refrain quand elle se raconte. On a envie que personne ne vienne jamais la corriger, de mêler le féminin à cet honneur qu’elle convoque pour parler des grandes rencontres de sa vie, de Karl Lagerfeld et Virginie Viard à Rebecca Zlotowski et Louis Garrel, parce qu’elle n’a pas assez de verve, Lily-Rose Depp, pour remercier les fées penchées sur son berceau. Des fées en tweed, bien habillées et pleines d’imagination. Notre Rosebud, qui aime les chansons nostalgiques et les « scènes où l’on se sent vulnérable. C’est-à-dire celles qui sont difficiles et qui nous apprennent paradoxalement à être qui nous sommes vraiment, une fois que la caméra s’est arrêtée. »

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