1. Accueil
  2. canapé
  3. [Cuisine à croquer] Mon faisan des fêtes

[Cuisine à croquer] Mon faisan des fêtes

Ce mois-ci, je me livre à un exercice difficile : je vais me chroniquer… peut-être parce qu’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé manger et cuisiner. J’étais à bonne école : je voyais mon papa, grand gourmand, cuisiner au quotidien. S’il était toujours en vie, c’est avec lui que je l’aurais fêté. Alors, il va un peu m’accompagner…

Né en 1930, il racontait « Pendant la guerre, je crevais de faim. J’étais à Briançon au Prytanée militaire. On nous servait un quart de rouge à chaque repas. Je l’échangeais contre du pain -ce qui veut dire que des gosses buvaient un litre par jour ! ». Et je le voyais ramasser les miettes de pain à la fin du repas et n’en faire qu’une bouchée.

Comme beaucoup de sa génération, il ne concevait pas un repas sans viande ou sans poisson, au moins un bout de pâté ou une tranche de jambon, au mieux une bonne viande en sauce, daube, alouettes sans tête ou un poisson. Certes, je ne mange plus de viande chaque jour, mais je tiens de lui mon amour des oignons. Jamais je ne commence un plat sans en faire revenir…

Ma maman avait quelques spécialités : des calamars à la sauce tomate accompagnés d’aïoli et de riz et surtout son foie de volaille ashkénaze. Une fois, elle avait donné la recette à une de ses copines qui avait un restaurant à Bonnieux, le village où on habitait. Une semaine après, un nouveau plat avait enrichi la carte : « foies de volaille à la provençale ». Je suis d’origine juive ashkénaze par ma maman et internationale par mon papa. Lui dont le père et les frères étaient militaires, était parti d’Avignon à 16 ans pour « monter à Paris ». Il disait : « C’était facile à l’époque, tu trouvais une chambre dans un meublé, un travail, quand t’en avais marre tu tirais ta révérence et t’en trouvais un autre le jour même… » Là-bas, il est devenu communiste. Il hébergea des gens du FLN pendant la guerre d’Algérie. Il racontait ses soirées avec Chester Himes, Richard Wright, ses nuits dans un bar antillais en bas de chez lui, dont il garda l’amour du rhum. Plus tard il a monté sa boutique, « la Cambuse » -du nom du garde-manger dans les bateaux-devenue au fil du temps galerie, à Bonnieux. À chaque vernissage, il préparait un planteur savoureux -j’ai parfois terminé des verres en douce. Plus tard, je suis devenue vendeuse de rhum clandestine et itinérante, ce qui me permettait de voyager l’hiver. C’est alors que j’ai commencé à dessiner d’ailleurs…

Mon père adorait cuisiner et partager. La maison était hospitalière et quand ce n’était pas mes parents qui invitaient, je proposais « Vous n’avez qu’à rester manger ! » Aujourd’hui, mon fils fait pareil… Comme mes parents travaillaient le week-end, je restais avec mon frère à la maison. J’avais coutume de faire le restaurant le dimanche soir. Je concoctais un menu avec plusieurs entrées, plats et desserts. En prenant la commande je disais « Je suis désolée mais ce soir, il n’y a plus de ceci… Je vous conseille cela …». À l’époque, lorsqu’on me demandait « qu’est-ce que tu veux faire plus tard ? », je m’imaginais travailler comme inspectrice au guide Michelin. Lorsque j’ai fait « Croquis Croquant, 52 restaurants de Marseille », je me suis dit « voilà, j’ai un peu réalisé mon rêve d’enfant ! ».

De mémoire visuelle, je n’en n’ai guère, c’est en partie pour ça que je dessine, pour ne pas oublier. Par contre, je me souviens des mélodies, des saveurs et des recettes. Mes parents nous amenaient une fois par an dans un bon restaurant.

J’aime improviser avec ce qu’il y a à la maison. J’adore les provisions. Peut-être que ça me vient d’une mémoire ancienne de famines parce que j’ai la chance de n’avoir jamais crevé de faim.

Quand mon voisin Charly m’a donné un faisan tout juste chassé, j’ai pensé : « quel beau repas de fête en perspective ! ». Il a donc fallu le plumer et chacun s’y est mis, heureuse que mon fils de 11 ans y soit confronté. Il est rare en ville de voir qu’un animal a été vivant avant d’être dans nos assiettes. C’est la première fois que je cuisine et goûte du faisan ! J’ai lu à mon fils la recette qu’en donne Alexandre Dumas dans son « Grand dictionnaire de la cuisine ». On a bien rigolé : On n’a ni les « douze belles truffes du Périgord », ni « la douzaine d’ortolans » et je crois qu’on boira le champagne plutôt que d’y faire mijoter notre volaille. Je vais m’inspirer des farces que concoctait mon papa, en y ajoutant un peu de verdure, et de la recette de la maman de Sof, mon amie avec qui je cuisinais souvent quand je faisais des remplacements au Cirque Plume. Si toutefois mon fiston qui adore cuisiner, n’y met pas son grain de sel…

Ingrédients pour 6 personnes– un faisan plumé et vidé– 500 g d’échalotes ou à défaut d’oignons– 1 tête d’ail– quelques châtaignes cuites – quelques champignons -cèpes, morilles ou trompettes de la mort– un poireau– des figues -fraîches, sèches ou confites– un litre de porto– un bout de talon de jambon– un œuf– un bout de pain sec– à peine de lait– une noisette de beurre– sel et poivrePour l’accompagnement : Crumble de potimarron et de patates douces :– un potimarron– 3 ou 4 patates douces– un bout de parmesan– des noix de cajou– des amandes– un bout de beurre– un peu de farine

Avant tout, je fais tremper les champignons qu’on a cueillis dans le Jura. J’hésite entre les trompettes de la mort ou les morilles mais je vais peut-être garder ces dernières pour des croûtes aux morilles et finalement, je vois bien les trompettes…

À la façon de mon papa, je fais tremper le pain sec un peu émietté dans un chouya de lait -ou de crème, et un œuf battu, pour lier le tout. Je mixe le talon et quelques châtaignes, ajoute le pain trempé. Je verse le tout dans un saladier. J’émince finement le poireau lavé.

[Cuisine à croquer] Mon faisan des fêtes

Je fais revenir les trompettes dans un peu de beurre et ajoute deux gousses d’ail émincées avec du persil. Je mets le tout dans la farce salée et poivrée.

Je lave le faisan, intérieur et extérieur, et le farcis de la préparation.

Dans une cocotte, je fais revenir les échalotes finement émincées ainsi que les gousses d’ail. Quand les échalotes sont dorées, je mets le faisan à rissoler, le retourne. J’hésite à ajouter des petits légumes, mais je vais suivre les conseils de la maman de Sof : juste les échalotes et… des figues. J’en ai des sèches, des congelées et des confites de cet automne. Je mets les figues congelées dans du porto.

Lorsque le faisan est bien doré, je le déglace au Porto, couvre et laisse mijoter. Au bout d’une demi-heure, j’ajoute quelques figues décongelées avec le reste du porto. Je recouvre et laisse encore mijoter. Quand la chair est tendre sous la fourchette, j’ajoute quelques figues confites, laisse à feu doux encore 10 minutes et éteins.

Je pourrais faire des légumes grillés, de différentes couleurs et saveurs, coupés finement, enduits d’huile et passés au four. Délicieux. Mais pourquoi ne pas essayer un crumble de potimarron et de patates douces.

Avant tout, je sors le beurre du frigo.

Je coupe le potimarron, ainsi que les patates douces épluchées. Je pourrais les faire cuire à la vapeur mais je les fais revenir dans un faitout à l’huile d’olive. J’écrase à la fourchette et mets le tout dans un plat pour le four. Dans un saladier, je mélange de la farine, des noix de cajou et des amandes mixées, du parmesan râpé et des petits bouts de beurre. Je mélange avec les doigts comme pour une pâte sablée et l’émiette sur le plat.

Je mets au four demi-heure à 180°, le temps que la croûte soit dorée. Je laisse au chaud.

Le temps d’une ou deux petites coupes de champagne et de quelques zakouskis, je mets à réchauffer le faisan et là… ce sera la surprise…

PS : Si vous voulez aussi vous prêter au jeu d’une chronique et transmettre une recette, écrivez au journal ici.

Article en accès libre

OFFRE DÉCOUVERTE – 1€ LE PREMIER MOIS

Si vous avez déjà un compte, identifiez-vous.