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Guerre en Ukraine : peut-on accueillir des réfugiés chez soi ?

C’est un post parmi des centaines d’autres sur le groupe Facebook Hébergement solidaire pour réfugiés ukrainiens. « Je m’appelle Maria et mon fils s’appelle Aleksii. (…) Nous allons quitter l’Ukraine avant la fin de la semaine prochaine. Aidez-moi SVP à trouver un emploi et un logement abordable partout en France. » Le message, agrémenté d’une jolie photo de la mère et du fils, souriants, a suscité plus de 70 commentaires, dont une multitude de propositions de logement à Clermont-Ferrand, Nice, Rennes, Limoges, Paris, Castres, dans le Loiret, en Mayenne, en Lorraine… « Nous pouvons vous accueillir gratuitement et vous aider dans toutes vos démarches. Notre village tout entier sera solidaire », répond par exemple un couple de sexagénaires, qui propose de prêter deux chambres et une voiture.

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C’est peu dire que l’invasion de l’Ukraine par la Russie a provoqué une immense vague de solidarité. Bien plus encore qu’en 2015 après la mort du petit Syrien Aylan, qui s’était noyé en tentant de traverser la Méditerranée. En moins d’un mois et demi, des dizaines de milliers de Français ont ouvert leurs portes à des réfugiés ukrainiens. Certains se sont inscrits sur la plateforme mise en place par le gouvernement (1). Selon le premier ministre, Jean Castex, au 22 mars, 91 000 places d’hébergement particulier avaient déjà été proposées, soit bien plus que le nombre d’Ukrainiens arrivés sur le sol français. Et c’est compter sans les citoyens qui accueillent des Ukrainiens sans être enregistrés, après un simple contact sur les réseaux sociaux.

S’adapter aux différences culturelles

« Il faut féliciter les personnes qui s’engagent ainsi car c’est un vrai acte de solidarité concrète et une expérience humaine magnifique », salue-t-on au ministère du logement. Toutefois, nuance-t-on, « le message que nous souhaiterions passer, c’est que c’est une décision qui ne doit pas être prise à la légère ». Pour éviter les mauvaises expériences, il est d’abord nécessaire que tous les membres de la famille soient parties prenantes et prêts à affronter certaines situations. À commencer par la barrière de la langue, que l’usage de l’anglais et des outils numériques peuvent atténuer.

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Guerre en Ukraine : peut-on accueillir des réfugiés chez soi ?

Deuxième chose à mesurer : dans le cas de l’Ukraine, ce ne sont pas des personnes isolées qui fuient la guerre, mais des familles, composées le plus souvent d’une mère et d’un ou plusieurs enfants. « Il ne s’agit pas de loger une famille sur un coin de canapé, ni de leur donner sa chambre, il faut donc avoir une pièce indépendante à offrir », explique Véronique Albanel, présidente du Jesuit Refugee Service (JRS), qui a créé en 2009 le programme pionnier d’hébergement citoyen Welcome et propose un document de six pages de recommandations.

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Mais, pièce indépendante ou non, c’est bien de partage de l’espace intime dont il est question. Mieux vaut donc être souple sur les différences culturelles ou éducatives. Pour éviter les problèmes, « il est recommandé de définir des règles de cohabitation », estime Vincent Berne, directeur du programme J’Accueille à l’association Singa, qui cite des points comme : « À quelle heure on peut utiliser la salle de bains ? Quand mange-t-on ? A-t-on le droit d’inviter des personnes extérieures ? »

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De plus, reprend Vincent Berne, « il y a des familles ukrainiennes qui sont en mesure de subvenir à leurs besoins, d’autres non ». Sachant que l’État ne prévoit pas de dédommagement, il faut pouvoir nourrir cette famille, au moins jusqu’à ce qu’elle bénéficie de l’allocation afférente au statut de « protection temporaire » prévue pour les Ukrainiens.

Signer un contrat d’engagement

Surtout, « il faut s’assurer que les accueillants ne soient pas seuls avec leur famille », reprend Véronique Albanel, qui pointe « le risque de surinvestissement ». Que ce soit pour les démarches administratives, pour scolariser les enfants, trouver des cours de français, chercher un emploi ou pour affronter d’éventuels traumatismes liés à la guerre, la bonne volonté ne peut pas remplacer un accompagnement social mené par des personnes formées.

Enfin, « l’un des défis va être de s’inscrire dans la durée car personne ne sait combien de temps la guerre va continuer », prévient Didier Leschi, directeur de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Pas question évidemment de mettre la famille dehors au moment des vacances.

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Pour faire face à ces défis, le gouvernement a envoyé une instruction aux préfets leur recommandant de désigner des associations chargées de visiter les logements, de privilégier ceux qui sont disponibles pour au moins trois mois, de mettre en relation famille accueillante et famille accueillie, et de leur faire signer un contrat d’engagement. « On est là à la fois pour faciliter la cohabitation mais aussi pour assurer l’accompagnement social grâce à des conventions avec des associations partenaires », détaille Vincent Berne, à Singa, qui l’assure : « L’hébergement citoyen est une expérience incroyable mais, pour que ça se passe bien, il est nécessaire d’être accompagné. »